Dans le cadre d’une procédure de divorce, les avocats ont le devoir de conseiller correctement leurs clients sur toutes les conséquences de la rupture de leur mariage, y compris le partage de leurs biens matrimoniaux.
Lorsque les conjoints en instance de divorce disposent d’une valeur nette importante, la nature de leurs actifs peut être diverse et inclure des biens immobiliers ou d’autres types d’immeubles, des véhicules, des meubles, des objets de collection, des liquidités, des portefeuilles d’investissement ou des participations dans des sociétés privées, pour n’en citer que quelques-uns. En ce qui concerne certains biens appartenant à un conjoint qui sont inclus dans la société d’acquêts et qui sont qualifiés d’acquêts, il est de droit constant que les dettes qui sont intrinsèquement liées à un bien qui est un acquêt seront comptabilisées au passif des acquêts et seront prises en compte dans la détermination de la valeur nette des acquêts aux fins du partage.
Toutefois, imaginons un scénario dans lequel un conjoint est propriétaire d’un bien immobilier auquel aucune dette n’est spécifiquement attachée, mais sur lequel une dette fiscale peut naître suite à un jugement de divorce. La Cour devrait-elle tenir compte de cette dette et, dans l’affirmative, quels sont les critères qu’elle doit prendre en considération ? Vous trouverez ci-dessous un exemple qui illustre cette situation.
Monica et Louis sont mariés depuis 20 ans, mais ne s’aiment plus et ont décidé de divorcer. Monica entame une procédure de divorce. Les parties procèdent à la communication préalable. Monica découvre que le seul actif que Louis possède est une participation dans une société holding qu’il a constituée pendant le mariage à des fins d’investissement, et qui vaut 50 000 $. Ces actions sont qualifiées d’acquêts. Louis découvre que le seul actif que possède Monica est l’ancienne résidence familiale, qui lui a été léguée par son père. La résidence familiale est exclue du patrimoine familial. Lors du procès au fond, Louis ne conteste pas que les actions qu’il possède dans la société de portefeuille valent 50 000 $ et sont sujettes à partage. En application des dispositions du Code civil du Québec, Monica aurait normalement une réclamation de 25 000 $ contre Louis pour le partage de son acquêt. Cependant, Louis fait valoir qu’il sera contraint de vendre des actions d’une valeur de 25 000 $ afin de satisfaire à un éventuel jugement de divorce et que, ce faisant, il devra payer des impôts sur les gains en capital puisque la valeur des actions a considérablement augmenté depuis qu’il les a acquises. Par conséquent, il fait valoir que la Cour doit déduire l’impôt sur les gains en capital qu’il devra payer sur ces actions des 25 000 $ qu’il devra à Monica.
Le Code civil est absent sur cette question, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de déduire la dette fiscale éventuelle et un courant jurisprudentiel dominant [1] énonce les critères que le tribunal doit prendre en considération, qui sont les suivants :
- L’actif est clairement identifiable
- L’existence d’une conséquence fiscale latente résultant de la cession de l’actif.
- Le(s) taux d’imposition applicable(s)
- La nécessité de disposer de l’actif
- L’imminence de la vente de l’actif
- Les solutions de rechange disponibles pour réduire la charge fiscale.
Selon les critères ci-dessus, pour que la Cour prenne en considération les conséquences fiscales, Louis devra convaincre la Cour qu’il n’aura pas d’autre choix que de vendre des actions d’une valeur de 25 000 $ à la suite de la dissolution de la société d’acquêts, et il devra apporter la preuve qu’il subira un impôt sur les gains en capital à la suite de la vente, faire la preuve du taux d’imposition applicable, et prouver que la vente aura lieu immédiatement après le jugement de divorce.
[1] Rick c. Brandsema, [2009] 1 R.C.S. 295, para. 54-56; Voir aussi Droit de la famille – 192424, 2019 QCCA 2046, para. 30; Droit de la famille – 2182, 2021 QCCA 141, para. 1, 6 et 9; Droit de la famille – 16436, 2016 QCCA 376, para. 52-53 et 55; Droit de la famille – 081312, 2008 QCCA 1068, para. 3; J.-C.L. c. M.D., 2006 QCCA 655, para. 71; Droit de la famille – 172859, 2017 QCCS 5538, para. 54-57; Droit de la famille – 162647, 2016 QCCS 5217, para. 105-106; Droit de la famille – 151877, 2015 QCCS 3546.