May 14, 2024 | Amendements à la loi

La réforme du droit de la famille au Québec et le projet de loi 56 : qu’est-ce que cela signifie pour les conjoints non mariés?

Continuation of Quebec’s family law reform Bill 56 addresses de facto unions

Le 27 mars 2024, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale, connue sous le nom de projet de loi n°56, reconnaissant l’union parentale pour les conjoints non mariés qui sont les parents d’un même enfant, né ou adopté, après l’entrée en vigueur de la présente loi, le 30 juin 2025. La réforme du droit de la famille a débuté en 2023 avec l’adoption du projet de loi 12 initié par le ministre de la Justice Jolin-Barette, qui visait à protéger les enfants nés d’une agression sexuelle et à encadrer les grossesses de substitution.

La nouvelle réforme québécoise vise à protéger les conjoints de fait en cas de séparation en proposant que les règles similaires applicables aux conjoints unis civilement et aux conjoints mariés soient également applicables aux conjoints de fait. Le projet de loi 56 comble une lacune mise en évidence par la décision historique et controversée rendue en 2013 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Éric c. Lola. Cette décision a renforcé l’exclusion des couples non mariés de certaines protections généralement accordées aux couples mariés.

En vertu de cette nouvelle modification, les règles du patrimoine familial s’appliqueront aux couples québécois non mariés qui cohabitent, se présentent publiquement comme un couple et ont des enfants ensemble. Cela signifie que les biens accumulés pendant l’union, comme la résidence familiale, seront soumis à des règles spécifiques en cas de séparation. L’amendement établit un « patrimoine d’union parentale », composé des biens possédés par les époux. Ceux-ci peuvent toutefois, d’un commun accord et devant notaire, modifier la composition du patrimoine d’union parentale ou choisir de s’en retirer et d’exclure tel ou tel bien de l’union parentale.

Il est important de noter que le projet de loi 56 n’est pas rétroactif et ne s’appliquera pas aux conjoints non mariés qui sont déjà parents avant son entrée en vigueur. La réforme n’impose pas non plus de condition de durée de cohabitation pour que les règles du régime de l’union parentale s’appliquent. La législation s’appliquera à partir de la date de naissance de l’enfant au sein de la relation ou lorsque les deux parents d’un même enfant deviennent des conjoints de fait.

Le projet de loi 56 protège certains droits des conjoints de fait, tels que le droit de demander au tribunal :

  • une prestation compensatoire ;
  • le droit du conjoint en union parentale d’hériter de son conjoint décédé en cas de dévolution légale ;
  • le droit d’homologuer une convention entre les époux concernant la fin de leur union;
  • le droit de demander des déductions sur le partage du patrimoine familial, etc.

En vertu du projet de loi 56, le patrimoine familial dans le régime de l’union parentale comprendra les biens suivants appartenant à l’un ou l’autre des conjoints : la résidence familiale ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles et les ornements garnissant la résidence, ainsi que les véhicules utilisés pour la famille. Pour les couples mariés, le patrimoine familial comprend : (1) les résidences principale et secondaire ; (2) le mobilier de maison ; (3) les véhicules utilisés pour le transport de la famille ; (4) les prestations de retraite (telles que les REER, les régimes de pension, les RRQ et les RPC) ; (5) et les régimes de pension privés. En cas de séparation des conjoints de fait, les biens acquis après la naissance de l’enfant et utilisés à des fins familiales seront partagés à parts égales entre les conjoints.

En théorie, le projet de loi 56 est un pas important dans la bonne direction. Il s’agit de moderniser le droit québécois en y intégrant les nouvelles réalités familiales et en accordant une protection supplémentaire aux enfants nés hors mariage.

Le projet de loi propose également que les juges aient désormais l’obligation d’accorder des dommages-intérêts dans les cas de violence judiciaire. Le tribunal devra tenir compte de l’historique des procédures entre les parties, de l’impact de leur caractère répété et contesté sur l’ex-conjoint et sur les enfants, ainsi que de l’égalité de pouvoir entre les parties, lorsqu’il y a eu des incidents de violence dans la famille. De plus, le juge en chef de la Cour supérieure et le juge en chef de la Cour du Québec doivent favoriser le maintien du même juge tout au long du dossier, dans les cas de violence. Enfin, les juges de la Cour supérieure saisis d’une affaire de droit de la famille peuvent également obtenir, entre autres documents, une copie de la décision rendue à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

En 2013, lors du jugement Éric c. Lola, la Cour suprême du Canada a établi que les couples non mariés du Québec étaient exclus du partage des biens et de la pension alimentaire pour conjoint qui s’appliquent aux conjoints unis civilement et aux conjoints mariés en vertu des dispositions du Code civil. Dans l’état actuel des choses, une union de fait au Québec ne confère aucun droit, aucune protection et aucune conséquence financière. Ce que chaque conjoint possède en son nom lui appartient sans aucun recours contre ces biens, même s’ils ont été utilisés pour la famille. Cependant, même avec l’adoption du projet de loi 56, les conjoints de fait n’ont toujours pas droit à une pension alimentaire.

De plus, le nouveau régime ne prévoit aucune disposition pour les couples qui ne sont pas parents des mêmes enfants.

Comme lors de l’introduction du concept de patrimoine familial en 1989, il y aura une période d’adaptation. Dans la pratique, l’une des principales préoccupations est que les gens soient entrés dans un « patrimoine d’union parentale » sans le savoir. Il est possible que les conjoints de fait qui auront des enfants après l’entrée en vigueur du projet de loi 56 ne soient pas au courant de l’existence de ce projet de loi et de ses répercussions sur la situation financière des conjoints.

Le projet de loi 56 comporte d’autres limites qui peuvent se présenter dans la pratique. Dans le but de contourner l’application du “patrimoine de l’union parentale”, l’un des conjoints peut tenter de tromper l’autre. Par exemple, il peut choisir de louer plutôt que d’acheter une maison, planifier des achats importants avant d’avoir des enfants, hypothéquer un bien à sa capacité ou transférer la propriété d’un bien à quelqu’un d’autre afin d’éviter les règles de partage en cas de séparation.

Bien que le projet de loi 56 propose un mécanisme qui peut être efficace pour certains, il ne s’agit pas d’une solution unique. Par conséquent, il est essentiel d’obtenir des conseils juridiques pour protéger vos intérêts et vos actifs financiers dans le cadre de ce nouveau régime.

Si vous avez des inquiétudes quant à la façon dont cette nouvelle législation affectera votre situation familiale à compter du 30 juin 2025, il est préférable de consulter l’un de nos avocats spécialisés en droit de la famille ici à Suant & Carin si vous avez des questions.

Lien vers le projet de loi 56 :

https://www.google.com/search?q=projet+de+loi+56&rlz=1C5CHFA_enCA1104CA1105&oq=projet+de+loi+56&gs_lcrp=EgZjaHJvbWUyCQgAEEUYORiABDIHCAEQABiABDIHCAIQABiABDIICAMQABgWGB4yCAgEEAAYFhgeMggIBRAAGBYYHjIGCAYQRRg9MgYIBxBFGDzSAQgyNTM0ajBqN6gCALACAA&sourceid=chrome&ie=UTF-8#:~:text=Projet%20de%20loi%20no,%E2%80%BA%20Media%20%E2%80%BA%20Process%20%E2%80%BA%20YWzz