Lorsque la Loi sur le divorce a été modifiée en 2019, le législateur canadien a cherché à améliorer l’accessibilité et l’efficacité du système de justice familiale afin de mieux soutenir les familles en transition1. L’une des principales réformes a été la promotion de l’utilisation des processus de résolution des conflits familiaux, tels que la négociation, la médiation, le droit collaboratif et les conférences de règlement. Ces processus permettent aux parties de résoudre leurs différends sans recourir à un procès long et coûteux, favorisant ainsi des solutions plus amiables et plus économiques.
En conséquence, de nombreux couples en instance de divorce se retrouvent désormais à rédiger un accord de règlement – appelé un Consentement à jugement – qui peut être temporaire (Consentement à jugement provisoire) ou final (Consentement à jugement sur les mesures accessoires). Ces accords sont souvent le résultat de négociations ou de médiation et peuvent couvrir divers aspects du divorce, tels que le temps parental, la pension alimentaire pour enfants, la pension alimentaire pour conjoint, ou le partage des biens.
Une fois qu’un consentement à jugement est rédigé, examiné et signé par les deux parties et leurs avocats, le processus suit généralement son cours de manière relativement simple. Après avoir complété les formalités nécessaires, l’accord est soumis au tribunal pour révision, où un juge rend généralement un jugement de divorce final.
Cependant, des complications peuvent survenir si une des parties change d’avis après avoir signé le consentement à jugement, mais avant qu’il ne soit officiellement homologué (c’est-à-dire validé par le tribunal). Dans certains cas, une partie pourrait prétendre qu’elle a signé sous la contrainte ou qu’elle n’a pas compris pleinement les implications de l’accord – surtout si elle n’était pas représentée par un avocat au moment de la signature. Dans de telles situations, le tribunal doit examiner soigneusement ces allégations avant de décider s’il convient d’homologuer le consentement à jugement.
Cela soulève des questions complexes, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer le moment approprié dans le processus de divorce pour homologuer ou rejeter le consentement. Par exemple, que se passe-t-il si un consentement à jugement sur les mesures accessoires – qui traite généralement des questions accessoires telles que le partage des biens ou la pension alimentaire pour conjoint – est présenté lors d’une audience provisoire, où des décisions immédiates ou urgentes sont prises ?
Cette question a été abordée par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Droit de la famille – 152212. Dans cette affaire, l’épouse a demandé au tribunal de rendre une ordonnance obligeant son mari à verser une prestation compensatoire sur la base d’un consentement à jugement que les parties avaient signé plus d’un an auparavant. Cependant, le mari a contesté le consentement, arguant qu’il était injuste et demandant au tribunal de rejeter la demande de l’épouse jusqu’à ce que le fond de l’affaire puisse être pleinement examiné lors d’une audience finale.
Le consentement avait été signé en mai 2014, mais le mari n’a pas sollicité de conseil juridique avant juillet 2014, moment auquel son avocat lui a conseillé que l’accord était fortement défavorable. En conséquence, le mari a refusé de signer l’affidavit nécessaire pour l’homologation du consentement, et en réponse, l’épouse a déposé une requête pour obtenir l’homologation.
Dans ce jugement, la Cour a précisé les conditions dans lesquelles une ordonnance provisoire, aussi appelée ordonnance de sauvegarde, pourrait être rendue. Pour qu’une telle ordonnance soit accordée, le tribunal doit évaluer les critères suivants :
- Réclamation claire et possible : Le plaignant doit démontrer que son droit semble clair et réalisable.
- Nécessité de l’ordonnance : Le tribunal doit être convaincu que l’ordonnance est essentielle pour éviter un préjudice grave ou irréparable au plaignant.
- Équilibre des inconvénients : Si le plaignant risque un préjudice, le tribunal devra évaluer les inconvénients potentiels pour le défendeur.
- Urgence : Le plaignant doit prouver que la situation est urgente et nécessite une action immédiate, même si l’affaire n’est pas encore complètement instruite3.
Dans cette affaire, la Cour a conclu que, bien que la réclamation de l’épouse fût possible, elle ne remplissait pas les critères d’un préjudice grave ou irréparable. De plus, l’équilibre des inconvénients ne favorisait pas l’octroi d’une ordonnance provisoire, et l’épouse n’a pas démontré d’urgence suffisante. En conséquence, le consentement n’a pas été homologué et l’affaire a été laissée à décider sur le fond.
Cette affaire met en évidence une leçon importante en droit de la famille : lorsqu’on demande des mesures de sauvegarde, il est crucial de démontrer une véritable urgence. Comme la Cour a souligné dans l’affaire Droit de la famille – 211678, les ordonnances de sauvegarde ne sont pas destinées à des questions qui doivent être examinées lors d’une audience finale4. Elles sont conçues pour des situations où une action immédiate est nécessaire afin de prévenir un préjudice.
Pour ceux qui traversent un divorce, il est essentiel de comprendre à la fois les exigences procédurales et les considérations stratégiques liées à la rédaction et à l’homologation d’un consentement à jugement. Obtenir des conseils juridiques expérimentés peut vous aider à garantir que vos droits sont protégés et que tout accord est correctement rédigé et homologué par le tribunal.
1Canada, Ministère de la Justice, « La Loi sur le divorce – Résumé des modifications » (2020), en ligne : https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/fl-lf/famil/c78/03.html.
22015 QCCS 4233.
3Ibid à para 16.
42021 QCCS 3636 à para 14.